J’ignore si le XIXème siècle a été, entre tous, le pire pour
les femmes ou « seulement » celui au cours duquel, poussées à bout (au
bout du bout du bout), elles ont enfin trouvé les moyens de se révolter en masse,
d’entrer en résistance et commencé à se faire entendre.
Je ne suis pas suffisamment calée en histoire pour répondre
à cette question.
Toujours est-il que me plonger dans la documentation
historique de la « ‟ belle
ˮ époque »
pour ma série de romans consacrée à cette période s’est parfois révélé une
réelle épreuve.
Plus particulièrement lorsqu’il s’est agi de me documenter
pour « Madame » qui m’a fait entrer un peu brutalement dans
l’univers de la prostitution à cette époque.
Non pas que j’aie été particulièrement innocente sur le
sujet auparavant (ou sur certaines pratiques ou même ce siècle, ou encore la mentalité masculine du XIXème siècle), mais je n’imaginais pas tomber de si haut ni me retrouver engluée dans
cette espèce de fange s’écoulant dans les fondations de la société, si
nauséabonde que quelques relents se font encore sentir deux siècles plus tard.
Je peux dire, sans exagérer, que ma fibre féministe a été
salement écorchée.
La femme que je suis également.
Peut-être ce billet ne fera-t-il rien naître en vous, ni
intérêt ni curiosité ni compassion – pour moi ou pour ces femmes – ni même l'envie de lire l’histoire que j’ai écrite, mais à titre tout à fait personnel et
égoïste, j’ai ressenti le besoin d'en parler, de me libérer de ce que j’avais éprouvé.
Peut-être parce que, quelque part, moi aussi, en rédigeant
ce roman, je me suis sentie prisonnière de ce monde, clos ou non, étouffée, salie,
maltraitée, violentée… Non, il n’y a pas de peut-être ; tout cela m'a profondément révoltée et j’ai eu mal.
Très honnêtement, au tout début de sa rédaction et forte de
mes quelques connaissances nouvellement acquises, je me suis quand même demandé
ce qui m’avait pris de vouloir écrire une histoire d'amour ayant pour décor une maison
de tolérance en 1900.
Comme il n’était pas question d’abandonner, je me suis
ensuite demandé comment j’allais bien pouvoir m’en sortir et écrire ma romance après
avoir lu tant et tant d’horreurs.
Abominations en tout genre sur le traitement réservés par
« l’Homme » aux filles, qu’elles soient à numéro, autrement dit les
filles de maison, les filles en cartes, celles œuvrant dans la rue, ou encore
les insoumises – vous noterez quand même la patte odieusement phallocrate mais
très parlante des termes.
Infamies parfois liées aux recoins les plus sordides de la libido
masculine – d’autant plus abjects que ces messieurs étaient libres de tout exiger, de tout faire et incités à se décharger de leurs pulsions sur de la
marchandise prévue à cet effet. Par marchandise, j’entends certes plus
particulièrement les prostituées puisque c’est le sujet qui nous occupe, mais ne
nous leurrons pas, la femme restait par essence, par son genre, l’équivalent
d’un bétail, ou d’un meuble si elle avait de la chance.
Atrocités dans le verbe, le geste et l’inhumanité de tous
les acteurs évoluant de près ou de loin autour des filles : hygiénistes, médecins,
policiers des mœurs, personnels des prisons-hôpitaux, clients, maquerelles...
Ignominie de la stupéfiante et révoltante hypocrisie d’un
siècle passé maître dans l’art de la double morale, un siècle qui réprimait
férocement le sexe, ce sexe qui l’obsédait plus que tout.
Très franchement, et au risque de me faire quelques amis au
passage, il m’est arrivé par moments, après certaines lectures, de haïr le
genre masculin dans sa globalité.
Je me suis bien évidemment raisonnée – je n’ai pas l’âme
d’une amazone et a priori ne suis pas
trop idiote – et j’ai pris le recul nécessaire qui m’a permis de trouver la
solution au problème que me posait ce projet de romance.
Deux solutions plus exactement : une esquive qui,
je crois, apporte plus qu’elle ne retire à mon texte, et un contre-pied.
Je n'en dis pas plus...
Toutefois, chères lectrices, et pourquoi pas chers lecteurs,
je crains de ne pas vous avoir particulièrement épargnés dans ce texte, sauf
peut-être en ce qui concerne les pratiques les plus répugnantes. Encore que. Je
les nomme ou j’y fais allusion. Libre à vous d’aller vous renseigner ensuite, en mots ou en images, mais je vous aurai prévenus.
Pour le reste, j’ai bien peur que tout ce que j’évoque dans
mon texte n'ait été réalité aussi.
Quant à l’histoire de Salomé et Valerian, je me plais à
croire qu’elle eut été possible.
En tout cas, elle a été, pour moi, la lumière filtrant à
travers les interstices des volets clos, la touche de douceur et d’espoir dont
j’avais besoin pour parvenir à mon but.
À bientôt.
Frédérique