Séverine (Caroline Rémy)
par Auguste Renoir
Parce que la rédaction
de ma série de romans se déroulant à la « Belle Époque » (vraiment pas si belle
que cela, vous pouvez me croire) voulait que je me penche très sérieusement sur
moult sujets assez délicats et désagréables, et plus particulièrement celui du
statut des femmes, j’ai aujourd’hui une pensée toute particulière pour toutes
celles qui se sont battues pour nos droits depuis des décennies, des siècles…
Et je leur adresse un
grand merci.
J’aurais pu emprunter
ses mots à Sidonie, ma petite frondeuse que vous découvrirez en son temps dans
une nouvelle, à la journaliste Séverine qui me l’a inspirée, ou encore à Louise
Michel et bien d'autres encore.
Mais j’ai choisi de faire parler Salomé dont
vous ferez prochainement connaissance dans « Madame » et Séraphine, héroïne de
mon roman « Le Tableau ».
Les actions se
déroulent à la toute fin du XIXè siècle et tout était donc encore à faire...
« Mais par-dessus
tout, contrairement à ce que Maximilien avait dû espérer, il venait de lui
donner la force de lutter contre lui au lieu de l’anéantir. Peut-être était-ce
de la haine. Sans doute, en était-ce.
Elle s’en fichait, car
elle se sentait animée d’une vigueur nouvelle, intimement liée à ce refus
viscéral de laisser une fois encore, une fois de plus, un homme la piétiner au
prétexte qu’elle était femme et qu’il le pouvait, qu’il en avait le droit,
qu’elle était ancienne prostituée, belle ou attirante, ou seulement parce que
c’était sa fantaisie du moment.
Oh bien sûr, elle ne
pourrait changer la société ou les règles… ou la loi… ou le Code civil… ou les
premières pages de la bible et le diktat de l’Église… ou les hommes…
Y avait-il une fin à
cette liste, au bout d’un moment ?
Salomé n’espérait pas
y parvenir, encore moins toute seule. Nombreuses étaient les femmes à s’y
essayer déjà, en groupe ou en association, avec des mots, des actes, des cris
parfois, pour au final se heurter à un mur. Mais tout mur pouvait être démonté
brique par brique. L’on pouvait gratter
son crépi, l’éroder patiemment jusqu’à y faire un trou, une lézarde puis une
brèche où l’on pouvait s’engouffrer ensuite pour le faire tomber. »
Madame (à paraître)
***
« — Vous savez bien
comment sont les choses, Séraphine, se défendit Narcisse. Vous n’allez pas
refaire le monde.
Évidemment !
L’éternelle rengaine. L’argument ultime de la supériorité masculine. Celui
expliquant toujours tout et mettant fin à n’importe quelle discussion.
De quel droit ce qui
pendait entre les jambes de ces messieurs leur conférait le pouvoir de régner
sur les femmes en toutes choses, sur leurs corps, leurs vies, leurs biens si
elles en avaient. Sur leur liberté ? Parce que cela se dressait à l’occasion ?
Était-ce vraiment une preuve irréfutable d’une supériorité intellectuelle et
morale sur elles les autorisant à les traiter comme d’éternelles mineures ?
Figée dans le marbre,
incrustée au plus profond de la société, cette suprématie était aussi inscrite
dans le plus abject des alinéas du Code Civil et gravée dans l’esprit des
hommes, cette caste dominante dont pour une fois la frontière ne s’arrêtait pas
au seul statut social.
Révoltant. Séraphine
en aurait hurlé. Si cela avait pu faire évoluer les choses… »
Le Tableau (paru aux
éditions Érato)