24 oct. 2018

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Mon roman " Le jardin d'hiver " 


paru aux éditions Pygmalion


est disponible à l'emprunt par l'abonnement Kindle


Résumé :

J’étais à la recherche de la poésie du brouillard qui transforme les choses, de la poésie de la nuit qui transforme la ville, la poésie du temps qui transforme les êtres… » Photographe de presse indépendant de profession, photographe en toutes circonstances, Sophia n’est jamais très loin de son objectif. Malheureusement, faire reconnaître son talent n’est pas facile. Consacrant tout son temps à son travail et à sa passion, elle ne fréquente personne en dehors de sa meilleure amie, Annette. Alors, lorsque le célèbre Sam Nahash, écrivain mystérieux que personne n’a jamais pu voir, la convoque, elle est plus qu’étonnée. Et cette invitation n’est pas la seule surprise qu’il lui réserve…

4 oct. 2018

Péché par fierté - Salomé - extrait de "Madame"

Pardonnez-moi d'avance, pécher par auto-satisfaction n'est pas une habitude, mais j'aime vraiment beaucoup ce passage, extrait de mon dernier roman " Madame".

L'action de ce roman se déroule en 1900

*


Un regard à travers le temps que Valerian s’était attendu à découvrir froid, triste ou vide. Il était étonnamment vif au contraire. Et presque rieur.
Le jeune homme l’avait pris de plein fouet, si fort qu’il en oublia l’époque et les circonstances du tournage de cette séquence, et autorisa la danse de Salomé à l’atteindre pleinement, le balancement érotique de ses hanches et les langoureux ondoiements de son ventre à l’exciter, l’adorable fossette de son nombril à l’hypnotiser, les gestes gracieux de ses bras et de ses mains, les mouvements de sa tête qui faisaient danser sa longue natte à le charmer.
Valerian avait beau faire, lutter de toutes ses forces contre son envie de ne penser qu’à lui, il ne pouvait s’interdire d’imaginer la jeune femme lui faisant profiter de cette sarabande et à la volupté qu’il en retirerait si elle…
Sacré bon sang de nom de nom !
Salomé était si belle. Et Souple. Époustouflante et… tellement souple.

Valerian était dans un état indescriptible lorsque le noir se fit. Enfin, était-il tenté de dire.
Il baissa la tête, avec l’espoir un peu dérisoire que les mots lui reviennent. Ou sa raison plutôt. Le désir s’en était emparé et il n’était pas du tout certain de la récupérer intacte, ni même de parvenir à se contrôler.
Salomé ne cessait de danser dans sa tête, encore et encore, enflammait son imagination, consumait son esprit, enfiévrait son corps.

À l’instar de la fille d’Hérodiade qui avait dansé sur les siècles pour mieux hanter l’esprit des hommes de tous temps.
Petite princesse de Judée anonyme devenue mythe.
Vierge qui dansait le désir.
Mystérieuse danseuse.
Putain vierge.
Creuset de tous les fantasmes.
Muse des mots, du marbre et des couleurs. Égérie des tirades et des quatrains.
Admirable inspiratrice.
Fleur létale.
Femme fatale.

De toutes les Almées, c’était Salomé que cette fin de siècle avait le plus follement aimée. 
Plus que les autres. 
Pour mieux la craindre ou mieux la honnir.
Continuité et conclusion d’un long processus qui avait débuté avec Les Pères de l’Église.
Par besoin d’expliciter les circonstances de l’emprisonnement et de la mise à mort du prophète Jean-Baptiste.
En vertu du principe traditionnel d’écho entre les Ancien et Nouveau Testaments, ils avaient cherché une nouvelle coupable pour asseoir leur discours misogyne et leur éthique opposant la chair et l’esprit.

Impossible de souiller l’image de Marie, mère du Christ et Élue.
Marie-Madeleine était repentie.
Les femmes gravitant autour de Jésus étaient saintes.
Ève, grande pécheresse devant l’Éternel et archétype de la dangereuse tentatrice s’imposait déjà sur l’Ancien Testament.
Une petite princesse de Judée sans prénom oubliée dans un recoin obscur de la Bible se changea alors en danseuse perverse et dépravée.
Une toute jeune fille intacte exécutant une danse impudique récompensée par un homicide.
Vierge manipulatrice et mortifère, personnification de la lubricité et du vice.
Prêtresse du sexe et de la mort par le sang d’un Saint.

Salomé évoluait maintenant dans les pas des scandaleuses danseuses exotiques. 
Plus que jamais elle suscitait le désir des hommes. 
Plus que jamais sa danse sensuelle et décadente se faisait macabre. 
Plus que jamais elle se faisait miroir de leurs vices et reflet de leurs angoisses : maladie, folie, mort.

Peur morbide de la sexualité féminine. De la folie amoureuse. De la puissance de la séduction féminine synonyme de castration.
Peur de ces femmes qui entendaient s’affranchir de leur tutelle, à se révolter, s’émanciper.
À vouloir disposer de leur propre corps.
À penser par elles-mêmes. À se mêler d’esprit !
Répulsion et fascination pour une femme qui n’était ni épouse ni mère. Qui leur échappait
Un mythe. Une déesse païenne.

Une Femme-Fleur du Mal, « grande fleur vénérienne, poussée dans des couches sacrilèges, élevée dans des serres impies » sous la plume de Huysmans trempée dans les couleurs de Gustave Moreau.

Un corps ardent qui se dévoilait et entremêlait ses contorsions multicolores aux mots de Gustave Flaubert tout imprégnés de ses souvenirs d’orient, du parfum et de la peau de Kuchiuk-Hanem[1].

Un vampire caché sous les sept voiles de la danse des mots d’Oscar Wilde. Le dit du désir dans le silence d’une danse de pure invention. Une didascalie à sept couleurs qui met le feu à l’imagination pour mieux recevoir le baiser nécrophile d’une princesse lunaire avide de goûter la saveur du sang du prophète.
Mais peut-être était-ce le goût de l’amour…
« Le mystère de l’amour est plus grand que le mystère de la mort. Il ne faut regarder que l’amour », raisonnait la Salomé de Wilde depuis sa folie.

Raisonnablement fou mais follement amoureux, Valerian se redressa pour regarder son amour dans les yeux.
Sa Salomé ne dansait sur les pas d’aucune autre.
Elle n’était pas vierge mais son cœur était pur.
Son écarlate n’était pas celui du péché ou de la luxure ni celui du sang mais le rouge du vin du désir et de l’amour qu’elle avait répandu dans ses veines, celui de ses lèvres où il s’en abreuverait.
Et sa danse était un admirable langage, celui d’un corps en mouvement, en totale contradiction avec une société corsetée de toute part.
Voilà pourquoi son regard avait été si plein de vie et pétillant d’ironie.
Pendant les quelques instants qu’avait duré sa danse, elle avait été libre. Une liberté à jamais fixée sur la pellicule et qu’elle avait choisi de lui révéler en même temps que ses talents cachés.
Prénom et danseuse étaient bien intimes.
Et Valerian avait été tout près d’en perdre la tête.





[1] Danseuse égyptienne et maîtresse de Gustave Flaubert.